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À l'occasion de la première édition de la Saison du Bien-être Solidaire, organisée par Bulles Solidaires et Entourage, Myriam, membre du Comité de la Rue a rédigé un poème sur la thématique de la précarité menstruelle.

Texte intégralement soumis aux droits d'autrice.

Si vous souhaitez le partager, veuillez en faire la demande au préalable et citer systématiquement l'autrice.

ELLE

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Je me souviens d’elle quand elle marchait souvent,

très souvent pour ne pas devenir une cible.

Fragilisée quand ses règles étaient là,

se protéger pour rester digne, était son premier combat,

au temps où la honte l’accompagnait,

en gardant toujours le silence.

 

Elle marchait en mendiant 

avec un regard fuyant.

La rue est un théâtre

où parfois le public est absent.

Son rôle était si vrai

que personne n’applaudissait.

 

Impossible pour elle de changer d’apparence,

Le sourire d’un autre était sa seule chance.

 

Les petits ennuis pouvaient se transformer en gros ennuis

Cette douleur provoquée par son corps l’affaiblissait,

Mal à l’aise, elle préférait s’isoler.

Déjà mise au banc de l’espace public

Avoir ses règles était encore moins chic.

 

Être une femme digne d’intérêt

belle, jeune, élégante, elle n’avait pas ces attraits.

 

On lui avait fait croire que les règles étaient sales, 

que les poils, la cellulite étaient sales.

 

Ce corps observé, 

doit être caché.

Elle entendait une voix qui la hantait:

«Corps impur , cache ton intimité,

et n’oublie pas, sois aussi une chair à consommer.»

 

Elle, elle vivait dans la rue

La tâche au pantalon, il l’avait vue,

sa détresse aussi.

Elle, sa seule obsession, ne plus être vue,

Il l’avait saisie.

 

Souffrir dans un silence froid,

parmi des regards sans émoi.

Mais, ses yeux, comment les rencontrer?

Ils sont toujours baissés.

 

Elle, elle s’en posait des questions,

Son pire ennemi, la résignation.

Et toujours un peu sauvage 

dans ce triste paysage.

 

Elle se disait: «la norme n’est pas la vérité,

c’est juste la majorité. 

Alors, devoir faire partie de la norme pour exister,

ne serait-ce pas absurde, voire ridicule?

Femme reléguée sur les pavés,

mais femme, esclave de la liberté.

 

Seulement, où se changer ?

Comment se laver ?

Des serviettes, comment s’en procurer ?

Les voler ?

Trop risqué !

Elle était si vite repérée.

Du papier toilette ?

Impossible à la sauvette.

Et pas de quoi se payer 

ne serait-ce qu’un café.

Peu importe, même les bars aimaient la refuser.

Quant à mendier, elle n’était pas vraiment douée:

 

« Fais appel à la solidarité, 

à la sororité ! Allez, vas-y ! Ose ! »

 

« Bonjour madame, c’est une belle journée. 

Madame, je peux vous demander... »

 

« Madame, vous avez un petit moment?

Non. Je comprends, le travail. »

 

« Madame, ne courez pas ! Je ne vais pas vous mordre !

Désolée d’exister! »

 

« Madame, pourquoi changer vous de trottoir 

en tirant le bras de votre enfant ?

Qu’est-ce que j’ai fait ?

Je suis un être humain comme vous.

Que lui direz-vous à votre enfant ?

Madame, laissez-lui une chance. »

 

C’était trop compliqué pour elle.

 

Elle pensait que la force de la volonté

l’avait peut-être abandonnée.

 

Ce corps à la marge

n’était pas à la page.

Et le temps s’écoulait,

et ce sang qui coulait,

sur ce corps fatigué.

 

Absent de désir,

il rêvait de fuir.

 

Ce corps sans abri, 

qui s’est battu,

tant de fois défendu,

pourtant, le sang coulait,

mais lui, rien ne l’arrêtait.

 

Seule, elle s’effaçait du tableau de l’humanité.

 

Ce corps de galère, de misère,

a si souvent fait la guerre.

Elle, elle rêvait du ventre de sa mère.

 

L’errance d’un corps

qui saigne, qui a peur,

livré sur scène, sans pudeur

il avait l’odeur d’un corps 

qui se meurt.


 

 Mais son corps est toujours debout,

il a dit oui

à la vie.

Elle a sauvé son sourire de femme libre.

Elle a fait un pied de nez 

à sa réalité.

Instruite par tous ces coups ,

elle avait compris 

que le sang, c’est la vie,

que la femme peut offrir la vie.

 

Je veux dédier ce texte et ce poème

aux femmes dans la précarité,

à celles qui ont si peu exister,

 

A celles qu’on connaît à peine,

qu’on ne revoit jamais.


 

A celles qu’on aperçoit de sa fenêtre,

sans avoir effleuré un regard,

où l’on devine une silhouette,

qui a déjà disparu,

au coin d’une rue.

 

A la compagne de voyage,

au partage du même paysage,

au présent si pesant,

à l’avenir désespérant.

 

Chère image inaperçue,

tu n’existes déjà plus,

tu es partie là-bas

dans l’oubli.

 

Éprise de lassitude,

dans la plus grande solitude,

elle pense,

elle pense

aux baisers tant attendus

aux cœurs inconnus

aux yeux jamais revus.

 

                                          MYRIAM

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